Changement climatique: les inondations ont fait 64 morts au Cameroun

Conséquence du changement climatique, les inondations se généralisent dans la région, où elles ont fait au moins 64 morts et plus de 160 000 sinistrés en 2020.

Il y a de l’eau partout. L’école primaire est inondée, la borne-fontaine est inaccessible, des maisons ont été englouties. Des chèvres, des moutons et des bœufs « ont disparu, noyés ici même », pointe avec tristesse Mahamat Moussa, qui fait un tour en pirogue pour montrer le « désastre » causé par les eaux à Sara-Sara, un village situé dans la région de l’Extrême-Nord, au Cameroun. D’après ce pêcheur de 35 ans, père de quatre enfants, cela fait cinq ans que, de mai à janvier et souvent même jusqu’en février, Sara-Sara est « submergé » malgré la fin des pluies. « C’est le désespoir toute l’année », souffle-t-ille regard fixé sur l’immense étendue d’eau : « J’ai perdu mes champs et mon bétail. Je reste parce que ma maison tient encore. Mais jusqu’à quand ? » De nombreux habitants ont déjà quitté le bourg.

D’après le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), au moins 64 personnes sont mortes et plus de 160 000 autres sont sinistrées à cause des inondations enregistrées en 2020 dans l’Extrême-Nord, une région déjà durement touchée par les incursions de Boko Haram. Dans le Logone-et-Chari (où se trouve Sara-Sara), l’un des départements les plus ciblés par le groupe islamiste, plus de 131 000 habitants sont affectés par la montée des eaux. « Nous avons des pertes très importantes », s’inquiète Modibo Traoré, directeur du bureau de l’OCHA au Cameroun : « Des récoltes, des champs ont été détruits, ce qui a obligé certaines populations à se localiser ailleurs, en lieu sûr », gonflant ainsi les rangs des déplacés et augmentant les besoins humanitaires, déjà sous-financés.

Pour M. Traoré, la situation en 2020 est « exceptionnelle » par rapport aux années précédentes. « La moyenne pluviométrique est passée de 700 à 800 millimètres », confirme Adoum Abdouraman, chef du service météorologie de l’Extrême-Nord. Une hausse qu’il lie au changement climatique, causé notamment par des activités humaines comme la coupe abusive du bois et les feux de brousse. A l’en croire, la saison des pluies allait auparavant du 27 mai au 30 septembre. Aujourd’hui, elle court d’avril à novembre, accompagnée de précipitations « interminables ».

Une digue promise mais jamais réalisée

En 2012, l’Extrême-Nord a vécu sa pire inondation en plusieurs décennies. Depuis, le phénomène s’est « généralisé » du fait de trois facteurs, précise le météorologue. D’abord, le relief de la région, qui favorise le ruissellement des eaux vers les plaines. Ensuite, les drains bouchés et la construction anarchique des maisons. Enfin, dans certains endroits, les sols à la fois sablonneux et argileux, qui retiennent les précipitations après la fin des averses.

Mais dans les localités comme Sara-Sara, situées le long des fleuves Chari et Logone et de leurs défluents, c’est la montée des eaux qui fait des ravages. De nombreuses digues communautaires ont lâché, causant des inondations. En 2012, le président Paul Biya, alors en visite auprès des victimes des inondations, avait promis la construction d’une digue-route de 330 km allant de Gobo jusqu’à Kousséri, ville frontalière du Tchad et chef-lieu du Logone-et-Chari. Huit ans plus tard, rien n’a été réalisé.

Les conséquences sont désastreuses. Les habitants rencontrés par Le Monde Afrique dans quatre villages inondés déplorent des pertes en vies humaines, des écoles inaccessibles, des centres de santé fermés, des toilettes effondrées, des habitations détruites, du bétail mort, des plantations inondées… « Ces trois derniers mois, les pluies ont détruit 70 % des champs de sorgho, de haricots et de riz » dans le Logone-et-Chari, s’alarme la Croix-rouge. Plus grave, d’après l’OCHA, plus de 12 000 animaux sont morts. Ce qui amplifie l’insécurité alimentaire et la malnutrition dans une région considérée comme la plus pauvre du pays.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *